Le contexte
Ainsi un chanoine abuseur, devant se tenir à l’écart des cérémonies publiques, participe à l’ordination d’un confrère ! Le prévôt actuel et l’évêque du diocèse sont présents et n’interviennent pas. La personne victime, particulièrement choquée, dénonce l’attitude des prélats. Quelle est la réaction de notre association de victimes nous demande Flore DUSSEY, journaliste à RTS ? Répondant à cette dernière (RTS 08 08 22 -19h30), Mgr Lovey reconnaît avoir ressenti un malaise, mais n’a pas réagi. Il le regrette surtout vu l’impact sur la personne victime.
Notre position : exclusion de tout abuseur
Notre position est affirmée depuis 2010 : un agent pastoral et surtout un prêtre ou un chanoine, auteur de violences sexuelles, doivent être écartés de suite de tout ministère et ne plus participer à une liturgie ou apparaître en public. Selon le cas, il devrait être réduit à l’état laïc.
Ignorance et secret dans l’Eglise
Dans cette affaire, plusieurs points nous indignent et confirment que l’ignorance et le secret sont les deux mamelles de la maltraitance. Un pédocriminel couvert par une institution fait en moyenne 100 victimes selon le FBI. Des cas dans l’Eglise catholique suisse le confirment. Mais bien des prélats veulent encore l’ignorer et continuent de minimiser aussi l’impact dramatique qu’a sur une victime même un seul abus. Dans le cas d’un prêtre, il y a trois abus : abus de pouvoir, abus sexuel et abus spirituel. Mgr Lovey n’a pas encore pris conscience de la gravité de la situation. Sait-il vraiment ce que cela fait d’être abusé par un prêtre en qui on a confiance ? Dans l’interview du Temps (17 09 22), il s’exprime en termes de « phénomène », « d’évènement » au lieu de voir et de dire qu’il s’agit de crime et que le coupable doit être puni.
L’évêque juge et partie
C’est vraiment scandaleux qu’un prêtre abuseur participe à l’ordination d’un confrère, d’autant plus qu’il était suspendu de toute activité. C’est une faute grave de l’évêque de ne pas l’avoir écarté de cette ordination, même au dernier moment. Mais il faut le reconnaître, dans l’organisation cléricale de l’Eglise, la position de Mgr Lovey est intenable, comme l’a mis en évidence le rapport Sauvé : l’évêque est juge et partie, il peine à condamner ses prêtres qui sont ses « fils », parfois ex-confrères et amis !
Appel réjouissant de « François » pour en aider d’autres à sortir du silence
Ce qui nous réjouit dans cette histoire, c’est que « François », la victime du chanoine abuseur a fait appel à la CECAR, commission indépendante que le Groupe SAPEC a proposée et qui s’est concrétisée après 6 ans de démarches.
« François » a ainsi obtenu reconnaissance, excuses du bout des lèvres de la part de l’abuseur et réparation. Et il relaie nos appels aux personnes victimes à libérer la parole. Nous espérons que son témoignage fort aidera de nouvelles personnes à sortir du silence et à s’adresser à la CECAR.
Notre demande : un pas supplémentaire
Il y a 10 ans, Mgr Werlen, alors Père Abbé d’Einsiedeln a été pris à partie lors d’une émission de la télévision suisse alémanique par une personne affirmant que dans son couvent aussi, il y avait eu des actes pédophiles. Il a réagi immédiatement et diligenté une enquête auprès de tous les anciens élèves de l’Abbaye. Nous demandons au prévôt du Grand-St- Bernard d’en faire autant : écrire à tous les anciens élèves du Collège de Champittet en les priant de témoigner sur ce qu’ils ont subi et vu, pour que vérité soit faite!
Mgr Lovey ne doit pas démissionner, mais assumer pleinement ses responsabilités
Nous n’attendons rien du procès canonique ! Nous demandons que tous les prêtres auteurs de violences sexuelles soient démis de leur fonction, voire renvoyés à l’état laïc pour ne plus bénéficier de l’aura du prêtre catholique encore beaucoup trop valorisée par les fidèles.
Il y a peu d’espoir qu’un nouvel évêque mesure la réalité de la situation comme un Mgr Morerod ! Mgr Lovey vient une fois de plus d’être confronté aux vécus des victimes et à la situation intenable d’un évêque dans ces affaires de pédophilie. Il ne doit pas démissionner, mais s’engager fermement à faire sortir l’Eglise de l’ignorance et du secret.
Et il pourrait glisser à l’oreille de son confrère, prévôt du Grand-St-Bernard, que la démarche demandée par le Groupe SAPEC constitue un pas dans la bonne direction. Une telle enquête aurait d’ailleurs dû être lancée dans tous les pensionnats catholiques de Suisse. Il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Jacques Nuoffer
Président du Groupe SAPEC