Edito du 29 août 2018 : Après la lettre du pape et sa visite en Irlande : rien de nouveau ?

La lettre du pape aux fidèles et sa visite en Irlande lors du dernier week-end d’août 2018, à l’occasion de la rencontre mondiale des familles consacrée à la protection des enfants et des adultes dépendants, ont suscité des demandes de réactions et de commentaires de la part de journalistes. Cet édito me permet de synthétiser mes conclusions et de présenter les propositions que je soutiens et qui sont semblables à celles des appels lancés par l’ONG ECA – Ending Clergy Abuse, Global Justice Project, dont nous sommes partenaires. 

Dans la lettre du pape Francois, je note :

  • Une reconnaissance plus marquée de la gravité des abus et des comportements scandaleux des évêques et supérieurs qui ont protégé les agresseurs et non les enfants.
  • La reconnaissance du retard dans l’application des mesures et des sanctions !

 

Mais rien de précis n’apparaît à propos des actions concrètes que nous estimons indispensables en nous appuyant sur la nécessité d’une réparation institutionnelle affirmée par l’Abbé Gabriel Ringlet et d’une justice réparatrice pour les victimes définie par le juriste Louis Joinet.

En ce qui concerne les personnes victimes,

affirmer sa honte, reconnaître la souffrance des survivants des abus, demander pardon n’est de loin pas suffisant. Les victimes d’abus ont besoin que soient reconnus et réalisés les quatre droits fondamentaux de la justice réparatrice :

1) Droit aux informations : savoir ce qui s’est réellement passé,
2) Droit à la justice : que les coupables soient poursuivis,
3) Droit à l’assurance de prévention : que tout soit fait pour que cela ne se reproduise plus,

4) Droit à une réparation : une indemnité, trop souvent symbolique en Europe, sauf en Irlande! 

Au niveau de l’institution,

il faut que le pape François choisisse son camp : être au côté des victimes et les soutenir ou au côté des évêques qui ont choisi de protéger les agresseurs et non les victimes !

Être du côté des victimes, c’est passer des paroles aux actes et imposer les mesures suivantes :

  1. Application de la “Tolérance 0” dans toutes les paroisses et les institutions catholiques, dans tous les évêchés et toutes les congrégations du monde et que les agresseurs passés, actuels et futurs soient dénoncés à la justice civile.
  2. Obligation de signalement à la justice civile pour tous les évêques et supérieurs religieux sous peine d’exclusion.
  3. Mise en place du tribunal des évêques pour ceux qui n’ont pas signalé les abus par le passé et encore actuellement et qui ont protégé ou protègent encore des agresseurs.

    Comme Mme Marie Collins et les membres d’ECA, je suis en faveur d’une instance unique qui développe une expertise et applique les mêmes sentences quel que soit le lieu et le contexte. Cette instance peut être instituée à travers une collaboration entre trois partenaires : une institution politique ou juridique internationale, l’ONG ECA représentant les victimes et le Vatican ! C’est le modèle qui a permis en Suisse la réalisation de la CECAR (Commission découte, de conciliation, d’arbitrage et de réparation) ! Je trouve étonnants et désolants les arguments du pape affirmant que le tribunal proposé par sa commission est irréalisable. Étonnant : nous avons à faire à une église universelle, ayant un droit canon unique, dont le système clérical a favorisé les mêmes abus dans tous les pays et toutes les cultures du monde ! Pourquoi un même tribunal « ne conviendrait-il pas aux différentes cultures des évêques qui doivent être jugés » ? Et, à mon avis, désolant, l’argument de l’impossibilité du déplacement des évêques soupçonnés d’abus et de leur dissimulation. Cela confirme l’importance relative accordée à de tels abus par le pape.

  4. Mise en garde destinée à tous les catholiques face au cléricalisme : le respect n’implique ni révérence ni soumission !
    Particulièrement dans les pays où la culture favorise non simplement le respect du prêtre, mais une soumission exagérée, notamment en Afrique et en Asie, il faut que le pape fasse campagne pour que les fidèles cessent de croire que le prêtre a droit à une forme de révérence. Il faut aussi que les fidèles soient invités à dénoncer les abus sexuels ou de pouvoir.
  5. Nomination de l’archevêque d’Irlande, Mgr Martin, en tant que président de la commission pour la protection des mineurs.
    Sous la présidence du cardinal Seán O’Malley, aucune proposition de cette commission ne s’est réalisée. Dans son archevêché, Mgr Martin a posé des actes et communiqué des analyses qui ont fait avancer la lutte contre les abus et développé la protection des mineurs.
  6. Application des propositions de Gabriel Ringlet concernant la « réparation institutionnelle en 
    – éclairant son histoire par des recherches sur les facteurs qui ont favorisé et favorisent encore la pédophilie dans l’Église. La recherche sur Marini, mandatée par Mgr Morerod répond à cette exigence,
    – s’interrogeant sur la sexualité et le pouvoir sacré du prêtre : peu de travaux de recherche sur ces thèmes sont initiés par les autorités ecclésiastiques,
    – demandant pardon
     et surtout en réparant : l’Église catholique en Suisse offre à toutes les personnes victimes la possibilité de choisir parmi deux démarches pour obtenir information, reconnaissance et réparation : les commissions ecclésiales et la CECAR.

 La CECAR, Commission d’Écoute, de Conciliation, d’Arbitrage et de Réparation, neutre et indépendante de l’Église catholique, est une instance unique au monde qui permet aux personnes victimes d’obtenir reconnaissance et réparation de l’Église sans s’adresser à l’institution qui a protégé leur abuseur. Le Groupe SAPEC est fier d’avoir œuvré activement à sa mise en place.

Jacques Nuoffer,
Président du Groupe SAPEC

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