Notre indignation est profonde face à l’attitude de Gilles Roduit. Elle l’est tout autant, accompagnée d’une grande déception face à Mgr Lovey qui a cédé au chanoine sous la pression de sa grève de la faim entamée le 3 mai dernier dans la Chapelle du Scex. Quelques jours plus tard, l’évêque du diocèse a rétabli le prêtre dans sa fonction de curé de St-Maurice, alors que le Nouvelliste du 8 mai affirmait « sur le plan judiciaire … la procureure générale Béatrice Pilloud souligne qu’une instruction portant sur les abus sexuels dans l’Église « est toujours en cours » . Il n’a donc pas attendu les résultats de cette instruction.
Une grève de la faim est un acte de révolte, de protestation à visée publique et politique pour défendre une cause, qui souvent milite pour autrui. Levier d’extrême puissance. Gilles Roduit soutient son propre objectif : retrouver sa place de curé de St-Maurice. C’est l’opposé d’une entrée pour quarante jours de jeûne et de prière (Réf. Mt 4,1.4 ; Lc 4.1-13) même s’il est dans un ermitage. Son mentor, le Christ dont il fait référence par sa croix de bois sur sa poitrine, réfute au contraire le pouvoir et la puissance et même, d’innocent qu’il est, se laisse condamner à mort sans résistance. Quelle image de ce Dieu fait homme, donne Gilles Roduit par son geste ? Dont il est fier et satisfait. Il veut même représenter ceux qui sont injustement pointés du doigt (…) et peut offrir une lumière à ceux qui souffrent de la même situation (24 H du 9.5.2024). Donc, la grève de la faim est efficace et permet d’arriver à ses fins. Est-ce l’exemple d’un bon pasteur soucieux de ses brebis, cherchant à ressembler à son maître ?
Gilles Roduit avait été mis en retrait de son ministère de curé-doyen de St-Maurice, suite aux émissions de Mise au point de novembre 2023 sur les abus sexuels dans le cadre de l’Abbaye de St-Maurice, le temps d’une enquête pour approfondir la situation sur le plan judiciaire et pastoral. Il restait prêtre et chanoine, entouré par sa communauté. Cette attente était longue et nous comprenons sa souffrance. Les victimes d’abus sexuels au sein de l’Église doivent patienter des lustres avant d’obtenir une réponse du Vatican quand elle arrive. Autrefois, elles n’étaient trop souvent pas écoutées par les autorités ecclésiales. Gilles Roduit n’aurait-il pas pu trouver une autre fonction dans sa communauté ? Obstiné, il n’avait qu’une idée en tête : retrouver son poste, ce qui était pour lui retrouver sa dignité, comme si cette dernière ne tenait qu’à ce ministère-là.
Pour rappel : voici une vingtaine d’années, une fillette a dénoncé Gilles Roduit à la police, dans une déposition jugée crédible, 6 mois après les faits survenus lors de la verrée familiale après la cérémonie de baptême de son petit frère. Un témoin, le parrain de la fillette a prié le curé de s’éloigner d’elle. Il n’y a pas eu de complément d’enquête. Le juge a prononcé un non-lieu, faute de preuves tangibles. C’était, sauf erreur, parole contre parole. Et à l’époque (aujourd’hui ?) on croyait plus facilement un prêtre qu’un enfant. Le non-lieu ne signifie pas que la personne accusée est innocentée. Simplement, la justice ne peut pas trancher selon la loi et ne va pas la poursuivre pour crime ou infraction par un procès. Le doute profite à l’accusé. Si l’affaire se déroulait aujourd’hui, les choses se passeraient certainement différemment. Le Code pénal suisse a aussi changé. A noter que les cas de fausses accusations d’abus sexuels par des enfants semblent très rares. A relever aussi qu’un très petit nombre de victimes portent plainte et que parmi celles-ci, peu aboutissent effectivement à une condamnation, faute de preuves. Les violences sexuelles restent très difficiles à traiter par le système pénal. La procédure judiciaire implique par ailleurs un grand coût émotionnel pour les victimes qui doivent revisiter encore et encore leur vécu traumatique.
L’Abbaye de St-Maurice a rappelé, dans cath.ch « Aujourd’hui, nous avons la certitude objective que la cause défendue est classée et qu’il n’y aura aucun recours. Il n’y a donc plus de raison de maintenir les mesures prises sur la base des soupçons induits par l’émission MAP et de priver ce chanoine de ministère pastoral. » Il s’agit là de dispositions au niveau de la justice civile : effectivement, dans le cas présent, la justice ne peut plus poursuivre Gilles Roduit pour ces faits évoqués. L’évêque de Sion à qui revient la responsabilité de nommer ses agents pastoraux à différentes fonctions doit bien évidemment en tenir compte, mais aussi s’appuyer sur d’autres critères, d’ordre pastoral. En restant aux conclusions actuelles de la justice pénale, l’Eglise du Valais oublie que d’un autre côté, elle n’a cessé de répéter : « Victimes, annoncez-vous ! » et elle envoie, implicitement, un message opposé. Dans le cas qui nous occupe, la personne qui a témoigné à visage découvert en tant que victime dans Mise au point du 19.11.2023 a fait preuve d’un grand courage. Sa parole n’est tout simplement pas considérée. Elle aussi a subi des dégâts d’image. Qui s’en soucie ? Le chanoine, avec grande humanité, l’a traitée de menteuse. Qui s’en émeut ?
Comment des victimes peuvent encore avoir le courage de témoigner quand l’Église du Valais montre une telle incohérence ? Lire le témoignage d’une autre victime : « J’attends de l’Église qu’elle reconnaisse ce que j’ai vécu» cath.ch du 11.9.2023. En tant qu’association de soutien aux personnes concernées par des abus d’autorité religieuse, nous sommes vraiment inquiets.
Au nom du comité du Groupe SAPEC
Jacques Nuoffer
Président
+41 79 342 49 59
jacques.nuoffer@groupe-sapec.ch
Marie-Madeleine Zufferey-Sudan
Vice-Présidente
+41 79 206 74 11
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