Les deux appels d’ECA lors de la visite du pape en Irlande en août 2018 seront rappelés à Rome du 18 au 25 février 2019

Suite à la lettre du pape l’été dernier et compte tenu de ses discours en Irlande, « rien de précis n’était apparu à propos des actions concrètes que nous estimons indispensables en nous appuyant sur la nécessité d’une réparation institutionnelle affirmée par l’Abbé Gabriel Ringlet et d’une justice réparatrice pour les victimes définie par le juriste Louis Joinet » ! C’est ce que nous constations en août dernier.

Qu’en sera-t-il le 24 février 2019 à la fin de la session convoquée par François et rassemblant les présidents de toutes les conférences épiscopales du monde pour traiter de ce problème lancinant, qui n’est pas affronté effectivement par les évêques, en particulier dans le tiers monde ? Voilà pour le doute.

La visite du pape François en Irlande lors du dernier week-end d’août 2018, à l’occasion de la rencontre mondiale des familles consacrée à la protection des enfants et des adultes dépendants, a donné aux survivants et militants du monde entier engagés dans l’ONG ECA (Ending Clergy Abuse, Global Justice Project) l’occasion de lancer deux appels. Quand ils se retrouveront à Rome la semaine du 17 au 25 février 2017, ils réitèreront les appels que voilà :

Le groupe des délégués d’ECA a exhorté le pape, d’une part, à concrétiser trois actions pour en finir avec les abus du clergé et, d’autre part, à nommer un nouveau président de la commission de protection des mineurs.

 I.Trois décisions à mettre en application pour mettre fin aux abus du clergé et à leur dissimulation par des évêques et des supérieurs.

Nous saluons un nouveau langage et de nouveaux concepts dans la lettre du pape. L’abus sexuel est un crime et plus seulement un péché. La dissimulation et le silence des évêques et de la hiérarchie en font des complices qui doivent être jugés par la justice pénale locale. Le pape, pour la première fois, parle de l’importance d’abroger les lois sur la prescription des abus sexuels envers les enfants, car « la douleur et la vérité ne disparaissent pas avec le temps ». Ces nouveaux concepts dans la lettre d’un pape constituent une étape, mais pas un véritable plan pour mettre fin à la « culture de l’abus et de la dissimulation », comme il l’a déclaré lui-même dans une communication au début de cette année. Hélas, dans sa « Lettre au peuple de Dieu » de 2 000 mots, le pape François ne mentionne ni n’engage aucune mesure concrète pour résoudre la crise des abus.

Constatant ce manque de précision, l’organisation non gouvernementale mondiale ECA (Ending Clergy Abuse), rassemblant des survivants et de militants de plus de 18 pays et 4 continents, a appelé le pape à s’engager immédiatement dans un plan concret en trois points pour en finir avec les abus sexuels des membres du clergé et la dissimulation de cette épidémie mondiale.

« C’est le moment décisif pour le pape François ! », a déclaré Mark Vincent Healy, membre d’ECA et victime de violences sexuelles commises par deux prêtres irlandais, « Il est venu dans notre pays marqué par les violences sexuelles. Il ne peut repartir sans nous donner un plan pour mettre fin à cette crise. « 

Selon ECA, tout plan du pape doit inclure ces trois actions :

  1. Adopter une tolérance zéro globale pour toute complicité des évêques et des supérieurs lors d’abus. Même un seul acte confirmé d’abus sexuel ou de dissimulation, peu importe le moment où cela se produit, doit entraîner une réduction définitive à l’état laïc.
  2. Créer un registre public mondial de tous les membres du clergé ayant des allégations confirmées d’abus sexuels. Cela doit commencer par la publication immédiate des 3400 membres du clergé reconnus coupables par la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF). Une telle mesure protégera nos enfants et nos communautés.
  3. Déclarer l’obligation de signaler les allégations, passées et présentes, d’abus sexuel sur les enfants, aux autorités civiles. Ne pas les signaler doit conduire à l’excommunication immédiate des responsables.
 

Ces trois mesures vont jouer un rôle crucial dans la concrétisation de la promesse de « ne ménager aucun effort » pour « créer une culture capable de prévenir de telles situations » et « éviter qu’elles ne soient dissimulées et perpétuées ».

Aucune organisation ne peut se contrôler elle-même. L’Église catholique n’est pas une exception et doit assumer ses responsabilités. Selon Matthias Katsch, un Allemand, membre du Conseil d’ECA, lui-même victime d’abus sexuels : « quoi que fasse le pape en interne, sa promesse ne peut être réalisée qu’avec l’aide des autorités laïques. Un nettoyage complet de la maison ne se produira que si les enquêtes et les poursuites internationales et nationales sont intensifiées. « 

II. Un nouveau président à la tête de la commission pour la protection des mineurs

Une présidence sans réforme

Au cours des quatre années pendant lesquelles le cardinal Seán O’Malley, archevêque de Boston, a présidé la Commission pontificale pour la protection des mineurs, le travail de la commission n’a débouché sur aucune réforme significative.

  • O’Malley n’a pas réussi à persuader le pape à mettre en œuvre les recommandations valables de la commission. Le tribunal destiné à juger les évêques complices n’a jamais vu le jour.
  • La « tolérance zéro » pour les prêtres prédateurs n’est toujours pas pratiquée par la plupart des évêques et supérieurs religieux du monde.
  • Le cardinal O’Malley n’a même pas mis en œuvre la recommandation de la commission selon laquelle chaque victime qui contacte le Vatican reçoit une réponse.
  • Pendant la présidence du cardinal O’Malley, tous les membres décidés et axés sur les victimes au sein de la commission sont partis ou ont été exclus.

« Il est clair que la commission a besoin d’un nouveau dirigeant – quelqu’un de plus énergique et déterminé, prêt à prendre des risques », déclare Peter Saunders.

L’archevêque Diarmuid Martin de Dublin : un exemple du leadership nécessaire

  • Mgr Martin semble être le seul évêque au monde à avoir remis volontairement aux autorités civiles les archives documentaires du diocèse, soit quelque 65 000 pages.
  • Le diocèse de Mgr Martin est l’un des rares dans le monde, hors des États-Unis, à adopter volontairement la « tolérance zéro » et à priver les prêtres de leur ministère à la suite de rapports crédibles d’abus sexuels sur des enfants.
  • Récemment et à plusieurs reprises, Mgr Martin a également identifié et défini correctement le problème des abus sexuels commis par des membres du clergé en tant que système institutionnel ou « mécanisme » qui « permet ou facilite les abus ».

Ces points de vue sont exprimés et soutenus notamment par les membres d’ECA suivants :

  • Ian Elliot, « l’un des chiens de garde internes » véritablement indépendants engagés par l’Église dans l’histoire de la crise des sévices, a dit ceci à propos de Mgr Martin : « Il ne pouvait en toute conscience accepter qu’un membre du clergé puisse abuser d’un jeune. « 
    Pete Saunders du Royaume-Uni, survivant de violences sexuelles commises par des membres du clergé, membre actif de la Commission pontificale pour la protection des mineurs de 2014 à 2016. Il en a été exclu après avoir critiqué publiquement le maintien d’un évêque chilien complice de dissimulation et le traitement cruel des victimes par le cardinal George Pell. Pete Saunders a fondé NAPAC, l’Association nationale anglaise pour les personnes victimes de violence dans l’enfance.
    Thomas P. Doyle, un prêtre dominicain et avocat canon, célèbre dénonciateur qui a mis en garde les évêques américains en 1985. Tom a servi de témoin expert dans des milliers de cas de violence dans le monde.
  • Mark Vincent Healy de Dublin, survivant d’abus sexuels commis par deux prêtres irlandais, l’un des premiers survivants à rencontrer le pape François
  • Lieve Halsberghe de Belgique, militante et chercheuse de premier plan dont les travaux ont conduit plusieurs auteurs de violence devant la justice
  • Matthias Katsch d’Allemagne, un survivant des abus sexuels par des membres du clergé, porte-parole d’ECKIGER TISCH et membre du Conseil allemand des survivants
  • Peter Isely des États-Unis, survivant de violences sexuelles au sein du clergé, membre fondateur et ancien directeur du Midwest (1992-2017) du Réseau de survivants des personnes maltraitées par les prêtres (SNAP). Peter a fondé le seul programme hospitalier au monde destiné aux victimes de violences sexuelles dans le clergé.
  • Margaret McGuckin d’Irlande du Nord, qui a survécu aux maltraitances et membre fondatrice du groupe de soutien SAVIA (Survivors and Victims of Institutional Abuse). Après avoir survécu à plusieurs années passées à l’institution des enfants de Nazareth House, elle a contribué à la réalisation de l’enquête sur les abus institutionnels historiques.

Adaptation des courriels d’information d’ECA des 24-26 août 2018 par Jacques Nuoffer

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