Témoignage de Stéphane Hernach

CECAR – Conférence de presse du 17.09.2020

Témoignage de Stéphane Hernach

Pour moi, les faits se sont produits dans les années 1974-75 dans une salle de classe du cycle du Reposieu à Monthey. Mon agresseur était un enseignant, entraîneur de football et par chance pour moi, Marianiste, sans cela la Cecar ne serait jamais rentrée en jeu.

Quand la chape de plomb a explosé en 2016 et s’est traduite par un torrent interminable de larmes, je ne savais pas ce qui m’arrivait. Ma femme m’a accompagné et s’est souvenue que je lui avais mentionné, lors de notre rencontre en 1980, avoir été agressé dans mon jeune âge.

Peu après ce tsunami en moi, il y eut des témoignages à la radio et des articles dans les journaux émanant d’autres victimes, qui m’ont encouragé à prendre contact avec le groupe Sapec. A la faveur d’une table ouverte de ce groupe, à laquelle était conviée la Cecar j’ai eu l’opportunité de rencontrer sa présidente, Madame Perrin-Jacquet, qui m’a conseillé de déposer une requête en réparation.

Après une longue hésitation, je me suis lancé. La Cecar m’a répondu en me proposant une première entrevue. Je me suis retrouvé émotionnellement comme 46 ans auparavant, interrogé alors par la Police au sujet de mon agresseur … Quelle idée avais-je eu d’accepter une telle rencontre avec le Comité 1 en charge de mon dossier. Je n’en menais pas large…

Mais Mme Renaville, M. Grivel et M. Beuchat m’ont reçu cordialement, j’ai essayé de surmonter ma peur, ma pudeur et ma culpabilité pour me présenter à eux et leur exposer les motifs de ma démarche. Et là, l’un d’entre eux m’a dit : « M. Hernach, on ne vous demande pas de nous expliquer les faits, on vous croit. »

Cette phrase résonne encore en moi comme un cadeau tellement improbable et inespéré que je peine encore à exprimer l’émotion qui m’a submergé ! Je m’attendais à affronter un tribunal et je me retrouve devant des personnes bienveillantes, à l’écoute et désireuses de m’aider.

J’ai pu évoquer l’espoir de rencontrer l’Evêque de Sion, Mgr Lovey, car je pensais qu’il pourrait apporter certaines réponses à mes questionnements. C’est entouré et même soutenu par tous les membres de ce Comité de la Cecar que j’ai rencontré l’Evêque qui m’a remis des documents particulièrement révélateurs sur mon agresseur, des documents qui avaient été expressément demandés au Vatican.

Répondant à une autre de mes demandes et grâce à la crédibilité dont jouit la Cecar, ledit Comité a ensuite pu obtenir pour moi une entrevue avec M. Darbellay, Conseiller d’Etat en charge de l’instruction publique en Valais, et son chef de service, M. Lonfat, entrevue à laquelle j’étais également accompagné de deux membres de la Cecar. Ma quêted’informations sur le parcours professionnel de l’enseignant qui a abusé de moi n’a pas porté ses fruits, du fait que les archives à ce niveau relèvent de la Commune et non du département et que le dossier recherché était trop ancien, mais j’ai pu obtenir des renseignements sur la prévention actuelle en milieu scolaire, sujet qui me tient également très à cœur.

CECAR – Conférence de presse du 17.09.2020

Enfin, il est apparu évident de requérir un entretien avec les responsables de la Communauté des frères marianistes, entretien que le Comité de la Cecar a également pu organiser, avec MM. Gruber et Müller à Sion. Une fois encore, j’étais soutenu par un membre de la Cecar, qui me mettait en confiance, exposait mes souhaits, intervenait comme médiateur, cas échéant.

Les deux requêtes que j’avais expressément formulées à cette occasion ont été exaucées. La première consistait à supprimer sur la stèle dédiée aux Marianistes, au cimetière St- Léonard de Fribourg, le nom de mon agresseur, qui figurait sous l’intitulé « Anciens et amis », alors qu’il avait été expulsé de la congrégation en raison de son comportement nébuleux et insoumis.

Le deuxième vœu exprimé résidait dans la pose d’une plaque en mémoire des victimes de pédophilie, idéalement dans une chapelle que j’avais désignée à Monthey puisqu’elle se situe non loin des différents lieux où les actes ont été commis. Le dévoilement de cette plaque, en présence de l’Evêque, de la Communauté des Marianistes, d’un représentant de l’Etat du Valais, de membres du groupe Sapec et de mes proches a été un grand moment d’émotion, le 22 février dernier. La presse s’en est fait l’écho, là aussi grâce à l’intervention de la Cecar, dont certains des représentants étaient également présents et j’espère que cet événement contribuera à une meilleure sensibilisation.

Il est certain que ces rencontres n’auraient pas pu avoir lieu sans l’aide de la Cecar, car je n’avais ni l’énergie, ni l’audace, ni le réseau social nécessaire pour entrer en contact avec les personnes concernées. C’est aussi incontestablement grâce au professionnalisme, à la diplomatie et à la force de persuasion des membres de la Cecar que mes requêtes ont été entendues par mes interlocuteurs. Ces requêtes revêtaient un caractère officiel qu’elles n’auraient pas eu si j’avais agi à titre individuel seulement.

Ce témoignage, je le fais pour toutes les victimes qui restent dans le silence, en particulier mes compagnons d’infortune de l’époque et je les incite à franchir le pas en s’adressant à la Cecar, dont le soutien est essentiel pour se libérer d’un tel fardeau.

A titre personnel, j’espère aussi que l’un d’entre eux se manifestera, afin de pouvoir partager un ressenti et des souvenirs qui sont encore prisonniers d’une amnésie dont j’aimerais me libérer pour arriver au terme de ma thérapie.

Comme je l’ai dit précédemment, la Cecar a été ma délivrance et je trouverais merveilleux qu’il existe des « Cecar » dans le milieu du sport et des écoles notamment, car le parcours des victimes reste chaotique sans appui officiel et bienveillant. Le sort des victimes de pédophilie au sein des familles est plus sombre encore.

Je reste encore ébahi par le temps et l’énergie que m’ont consacrés les membres du Comité I de la Cecar, Je ne saurais suffisamment les remercier pour les heures et les compétences qu’ils ont engagées dans ce parcours libérateur pour moi.

On appelle les victimes de pédophilie « les survivants ». J’ai le sentiment de l’être encore, même si les faits ont été reconnus et que je n’ai plus à me sentir coupable. Je crois pouvoir dire que c’est grâce à la Cecar et au soutien de mon entourage que je suis encore là et que je suis maintenant un survivant apaisé, peut-être même le plus souvent heureux.

Merci de votre écoute !

CECAR – Conférence de presse du 17.09.2020

Stéphane

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