Edito mars 2022 : La Fondation Herbert Haag décerne un des prix 2022 au Groupe SAPEC représenté par son président Jacques Nuoffer

But de la fondation

La Fondation Herbert Haag pour la liberté dans l’Église (https://www.herberthaag-stiftung.ch/) a été créée en 1985 par Herbert Haag, professeur de théologie à l’Université de Tübingen, sur la base de la conviction suivante :

La crise actuelle dans l’Église est due à sa constitution, qui doit inévitablement conduire à l’absence de liberté des croyants. Cette situation est en contradiction ouverte avec le message de Jésus, qui a proclamé un évangile de liberté. La Fondation Herbert Haag pour la liberté dans l’Eglise ne va pas y parvenir, mais elle souhaite au moins en donner des signes.

La Fondation Herbert Haag a décidé de récompenser en 2022 quatre groupes ou personnes luttant en Allemagne, en Autriche et en Suisse contre les abus sexuels commis au sein de l’Eglise. Lors de la manifestation, le 13 mars 2022, un des prix a été décerné à Jacques Nuoffer pour l’association du Groupe SAPEC (Suisse romande) et à Albin Reichmuth pour IG-MikU, Groupe d’intérêt des personnes concernées par les abus dans le milieu ecclésiastique (Suisse alémanique). Elle veut notamment encourager les associations de victimes à poursuivre leur engagement. Le prix, d’un montant de 10’000 francs suisses, est réparti entre les deux associations.

Mes motivations passées et lesmodèles de notre engagement actuel
Témoignage de Jacques Nuoffer au cours de la cérémonie

Oser enfin trahir après des mois d’hésitation et d’angoisse, la promesse du secret qui m’avait été imposée, m’a permis de me libérer du piège dans lequel j’étais enfermé.

Dans les années qui ont suivi, je n’ai parlé qu’en confession de la lente mise sous emprise que j’avais subie depuis l’âge de 14 ans par ce prêtre ami de la famille et de la manière dont il a abusé de moi !

C’est dix ans plus tard, alors que tout me souriait avec la naissance inespérée de ma fille Sidonie, que le traumatisme a resurgi et que ma vie a été bouleversée. Je me suis investi plein d’espoir dans une psychanalyse à Fribourg, puis à Paris. Mon couple en a été ébranlé. Je n’ai pu être pleinement disponible pour ma fille qui en souffrit! Je suis heureux qu’elle soit là aujourd’hui et j’espère que cette journée va donner du sens et de la réparation pour elle aussi.

Quarante ans après que j’aie dénoncé mon agresseur, vers 2005, ma compagne, par ailleurs pédopsychiatre, me démontra que le problème n’avait pas été pris en charge correctement : pas de dénonciation à la police, mais une remise en question personnelle alors que ce n’était pas le sujet, pas d’information, pas de reconnaissance, pas de réparation !

Je décidai de m’occuper de ces sujets dès ma retraite, à 63 ans, il y a 14 ans !

D’entrée, je vécus comme un nouvel abus les refus de l’évêque et de la congrégation du prêtre pervers de répondre à mes demandes!

Lors d’un témoignage anonyme à la radio romande, j’ai lancé un appel auquel Marie-Jo Aeby et Gérard Falcioni ont répondu. Nous avons fondé l’association du Groupe de Soutien Aux Personnes abusées par des Prêtre de l’Eglise Catholique le 22 décembre 2010.

Ensemble avec Marie-Jo Aeby, Marie-Madeleine Zufferey-Sudan, Hubert Varrin, Jean-Marie Fürbringer, Eric Paulus, Valerio Maj, nous avons persévéré malgré les non-réponses de la majorité des prélats, mais avec le soutien surtout de deux d’entre eux : Mgr Martin Werlen et Mgr Charles Morerod.

Ainsi depuis 11 ans, nous œuvrons notamment

  • pour l’application des mesures décidées par les Papes et les directives de la CES
  • pour le lancement d’un travail d’enquête sur les abus
  • pour la refonte de la sélection des séminaristes et de la formation des prêtres
  • pour le développement de la prévention et de la formation de tout le personnel catholique

Mais la réalisation unique et originale est l’Accord CECAR entre des évêques et supérieur-e-s et le Groupe SAPEC suite aux travaux d’une commission tripartite :  Victimes – Prélats – Parlementaires.

Le but de cet Accord est d’offrir, au sein d’une commission indépendante, écoute, information et réparation aux personnes victimes qui ne veulent plus avoir à faire avec l’institution qui ne les a pas protégées : la CECAR (Commission d’Écoute, de Conciliation, d’Arbitrage et de Réparation).

Depuis le début, l’engagement et les démarches du Groupe SAPEC s’inspirent du modèle de Louis Joinet et de l’analyse de Gabriel Ringlet.

Louis Joinet a caractérisé la justice institutionnelle et définit les droits des victimes :

  • à l’information
  • à la justice,
  • à l’assurance de prévention
  • et à la réparation

Gabriel Ringlet a souligné que la pédophilie dans l’Église catholique n’est pas un accident de parcours, ni un immense fait divers. Cinq critères sont nécessaires pour déboucher sur une indispensables réparation institutionnelle.

L’Eglise catholique suisse est en passe d’en satisfaire trois !

  • Demande de pardon
  • Réparation
  • Recherche

Mais quand seront sérieusement abordé les deux autres critères :

  • L’église doit s’interroger sur sa position concernant la sexualité !
  • L’église doit s’interroger sur le pouvoir du prêtre !

Jacques Nuoffer
Président du Groupe SAPEC

Lucerne, le 13 mars 2022

Interview de Raphael Rauch du 14 mars 2022:

 

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