Edito du 24 mai 2022 : Qu’en est-il du Motu proprio « Vos estis lux mundi » du 9 mai 2019?

La demande de Théo MOY, journaliste débats-idées à La Croix, et les informations de l’enquête de ses collègues nous ont donné l’occasion de faire le point sur l’évolution de la lutte contre les abus sexuels au sein de l’Eglise catholique depuis notre prise de position qui a suivi la publication du Motu proprio Vos estis lux mundi il y a trois ans. Marie-Jo Aeby, vice-présidente, et moi avons rédigé l’état des lieux ci-dessous qu’il avait l’intention de publier sous forme de témoignage-tribune dans les colonnes de La Croix.

Nos constatations et commentaires à propos du Motu proprio Vos estis lux mundi du 9 mai 2019

Trois ans ont effectivement passé depuis le 9 mai 2019 et la publication de « Vos estis lux mundi » et ses mesures prises par le Pape François concernant le signalement des cas de violence sexuelle, abus de pouvoirs et abus de conscience.

Lors de sa publication, nous avons reconnu que ce Motu proprio allait dans le bon sens, notamment avec l’obligation de signaler à l’Eglise tout soupçon d’agression sexuelle ou de harcèlement, y compris contre des personnes majeures et avec l’appel à la dénonciation de toute tentative de couvrir des faits au niveau de la hiérarchie. Mais nous avons critiqué le maintien du secret absolu de la confession, l’absence de mention de dédommagements financiers en faveur des victimes, le fait que ces dernières ne puissent pas avoir accès à leur dossier, la tenue à l’écart de leurs associations, l’absence d’une instance juridique indépendante qui serait en charge de juger les clercs abuseurs à travers le monde et enfin le rôle central confié à l’archevêque métropolitain qui n’a aucune obligation de s’entourer de personnes indépendantes et compétentes.

L’enquête de Xavier Le Normand et Loup Besmond de Senneville indique que les mesures positives ne semblent pas être appliquées dans l’ensemble des diocèses du monde. Rien d’étonnant quand on sait que, dans de nombreux pays, l’image de l’Eglise continue de peser bien plus que la réalité vécue par les victimes !

Ainsi les nombreux freins dans l’Eglise sur ces questions, que je signalais dans la fin de mon interview* sur Cath.ch le 10 mai 2019 (cf. ci-dessous), sont encore plus importants que je ne le supposais et l’application réelle des mesures annoncées est décevante, malgré la pression que nous cherchons à exercer à travers ECA et le SNAP.

Certes ce Motu proprio allait dans le bon sens, mais même si un effort a été fait pour que les diocèses disposent d’une traduction, il n’en reste pas moins que les écrits inappliqués n’ont pas d’effet ! Et nos critiques d’il y a trois ans restent pertinentes, n’ayant été l’objet d’aucune évolution.

Cette enquête confirme donc que l’Eglise catholique dans le monde est loin de répondre aux attentes des personnes victimes telles que nous les exprimons en Suisse. Voici d’autres remarques importantes pour nous.

  • Même si des bureaux de signalement ont été mis en place çà et là, ils manquent encore dans de nombreux diocèses. On peut d’ailleurs se demander si les évêchés constituent la bonne porte, vu l’« entre soi » qui prévaut encore tant au sein de la hiérarchie catholique.
  • La mise en place, à l’échelle nationale, d’un lieu neutre et indépendant des autorités ecclésiales, composé de professionnels formés à l’écoute des victimes, nous parait vraiment plus adéquat.
  • Nous doutons également que les prêtres d’un diocèse ou d’une congrégation religieuse dénoncent l’un des leurs, bien que ce soit devenu une obligation depuis 2019.
  • Ne faudrait-il pas d’ailleurs aller plus loin et demander aux auteurs d’abus de se dénoncer eux-mêmes. Que ce soit une exigence de la hiérarchie. Si c’était le cas, quel signe fort les autorités donneraient aux victimes qui ont tant de difficulté à sortir du silence.

Jacques Nuoffer
Président de Groupe SAPEC

23 mai 2022

*https://www.cath.ch/newsf/le-motu-proprio-sur-les-abus-est-un-progres-mais-qui-doit-se-concretiser/

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